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Activité et Comportement (Ethologie)

♦ Sociabilité et survie

     Les Coenobita sont des animaux sociaux, c'est-à-dire qu'ils vivent en groupe et que c'est cette même organisation qui permet le plus souvent leur survie. Certaines espèces vivent dans des groupes considérables d'une dizaine à plus d'une centaine d'individus, c'est le cas des Perlatus, Rugosus, Cavipes, Clypeatus ... D'autres espèces sont un peu plus solitaires et vivent dans des groupes de densités plus faibles comme les Brevimanus et les Violascens. Il n'empêche que la sociabilité des Coenobita est un atout majeur dans la survie des membres du groupe. Elle permet par exemple de faciliter la recherche de nourriture, dès qu'un individu trouve une source de nourriture, le reste du groupe s'active. Il y a mimétisme des activités.

     De plus, il semblerait que la recherche des coquilles soit également l'affaire de regroupement, on parle de chaînes de changement de coquilles. En effet, lorsqu'un spécimen trouve une coquille, il semblerait qu'il attende qu'un groupe de ses congénères de taille différente se regroupe autour de lui. On assiste alors à une cascade de changement de coquille. Ce comportement assez fascinant est une réponse face au manque de coquilles, ainsi une seule coquille sera bénéfique pour l'ensemble du groupe. Ce comportement n'est qu'un avantage que pour des populations assez importantes et présente des risques pour les Coenobita (prédateurs, blessures ...).

 

 

♦ Activité et conditions de l'environnement

     En général la plupart des BHT ont des moeurs assez nocturnes (pic d'activité principale entre le coucher et le lever du soleil) ce qui n'exclut pas d'assez fréquentes apparitions diurnes (surtout Rugosus et Perlatus). Je pense qu'une des explications pourrait être que cela évite un certain assèchement de l'abdomen de se mouvoir durant la nuit. On le voit bien si l'on vaporise les BHT durant la journée, ils ont une bonne activité (un peu comme les escargots ! ). C'est repris dans diverses études sur les BHT. La température joue également un rôle prépondérant. En gros, la période principale d'activité des BHT colle le plus souvent avec les meilleures conditions de l'environnement pour eux (hygrométrie élevée, température douce, source de nourriture, protection contre les prédateurs ...) et la nuit est très souvent la meilleure période. Je pense qu'il doit y avoir également des histoires de cycles biologiques et de reproduction (cycles lunaires pour le frai).

     Je cite (traduction d'études sur les BHT en anglais qui confortent cette hypothèse) : "À Curaçao, le bernard-l'hermite sont généralement moins actifs sur le midi, ils atteignent normalement leur pic d'activité entre le coucher du soleil et 8:00 PM et deviennent progressivement moins actifs jusqu'à midi le lendemain, mais une augmentation soudaine de l'humidité, à partir d'une douche, tend à promouvoir l'activité à tout moment. La plage de température optimale se situe probablement entre 72 degrés et 93 degrés Fahrenheit (22°C et 33°C). Tous les mouvements deviennent plus lents à 68 degrés (20°C) et à 72 degrés (22°C). Les bernard-l'hermite, maintenus à 65 degrés (18°C), deviennent plus ou moins léthargiques. Les populations de Coenobita sur Bimini dans les Bahamas sont plus actifs dans la journée, probablement parce que les températures nocturnes sont plus basses qu'elles ne le sont plus au sud, mais ce retournement du cycle de l'activité n'a pas été observé chez les Clypeatus qui habitent les Keys de Floride... "

     "[...] comme beaucoup terrestres animaux, les coenobitidae peuvent modifier leur comportement afin de minimiser l'évaporation (perte d'eau), en particulier dans des conditions chaudes et sèches, caractéristiques de leur biotope, et ils sont les plus actifs pendant la nuit car on constate une nette augmentation du taux d'humidité. Ils détectent et s'orientent par rapport à la vapeur d'eau (Vannini et Ferretti, 1997) et des gradients d'humidité. C. clypeatus sélectionne les zones d'humidité maximale tout en évitant les supports mouillés (de Wilde, 1973). Bien que les espèces Coenobitae soient principalement nocturnes, des hausses soudaines durant la journée du taux d'humidité, ou une douche rapide, lancent souvent l'activité diurne (Ball, 1972; de Wilde, 1973; Vannini, 1976, Alexander, 1979)."

 

♦ Etude sur le rapport  "bénéfices-risques" d'un logement plus spacieux après le remodelage de sa coquille par un Bernard l'ermite

     De nombreux animaux se comportent en architectes, modelant leur environnement proche pour construire leur demeure, indispensable à leur survie et à leur reproduction. On peut citer comme exemple les énormes monticules érigés par les colonies de termites, les cocons dont s'entourent les larves des phryganes (insectes proches des papillons), les nids très élaborés construits par les tisserins, ainsi que les terriers bâtis par les castors, toutes ces constructions permettant à leurs habitants de vivre et de se reproduire en sécurité. Beaucoup de ces constructions animales rivalisent même de perfection avec celles des humains. 
     Par opposition à ces véritables architectes, d'autres animaux sont plus opportunistes, emménageant  dans des demeures abandonnées  et qu'ils n'ont donc pas eux-mêmes construites. 


    Un exemple bien connu d'un tel opportunisme est celui des Bernard-l'ermite, la plupart d'entre eux devant protéger leur abdomen vulnérable dans des coquilles de gastéropodes vides.
     Cependant, des études récentes ont montré que certains Bernard-l'ermite pouvaient être plus que de simples occupants. Alors qu'aucun Bernard-l'ermite n'a jamais été capable de construire sa propre demeure, certains Bernard-l'ermite terrestres en particulier Coenobita compressus, sont capables d'agir en architectes secondaires, remodelant l'intérieur de leur coquille héritée d'un gastéropode.

 

Coenobita compressus - Ecuadorian hermit crab - Bernard l'Hermite Équatorien - , Limon, Costa Rica - 23/03/2012 23h12

Le Coenobita compressus, espèce endémique des côtés occidentales américaines, est un véritable architecte de l'intérieur de sa coquille. © Arnauld Dravet, Flickr.


    Une première étude portant sur des coquilles remodelées a montré qu'elles étaient devenues presque deux fois plus spacieuses qu'avant le remodelage. Avantage considérable pour les Bernard-l'ermite toujours à la recherche d'une coquille plus grande. Cet espace supplémentaire a été obtenu en éliminant une grande partie de la columelle et en amincissant les bords de l'ouverture de la coquille de plus de la moitié de son épaisseur d'origine.    

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Une coquille de Nerita non remodelée (à gauche) et une coquille remodelée (à droite) plus spacieuse et légère. © Mark E.Laidre.


     Mais un tel remodelage  n'est-il pas susceptible de causer un préjudice aux Bernard-l'ermite ? Car des demeures ainsi allégées  peuvent être  plus facilement endommagées, en particulier par des prédateurs. 
     Dans les populations où le remodelage a été démontré, les Bernard-l'ermite sont souvent sujets à des attaques de mammifères, tels que des ratons-laveurs, des coatis ou des opossums, qui broient les coquilles dans leurs gueules pour en consommer les occupants. On trouve d'ailleurs régulièrement des fragments de coquilles écrasées et des morceaux des Bernard-l'ermite qui logeaient dedans, aux endroits où ces mammifères ont séjourné. Ce qui prouve bien que la prédation peut exercer une pression sélective importante sur les Bernard-l'ermite.
    Notre but était donc d'étudier la résistance à l'écrasement  des coquilles remodelées par rapport aux coquilles non-remodelées, en les soumettant à des "crash-tests" en laboratoire. 
    Nous avons ainsi démontré que les coquilles remodelées sont de façon significative moins résistantes à l'écrasement et que cela peut donc représenter un danger accru pour leurs occupants.


    Alors pourquoi les Bernard-l'ermite, en tant qu'architectes secondaires, entreprennent-ils un remodelage si cela augmente leur risque d'être dévorés ? La réponse est peut-être dans l'évaluation du rapport bénéfices-risques.
    Le remodelage apporte indéniablement des bénéfices aux Bernard-l'ermite puisqu'il multiplie quasiment par deux le volume intérieur de leur coquille, permettant aux femelles de couver plus d'œufs et aux mâles de devenir plus grands, augmentant ainsi leur potentiel de reproduction. De plus, le remodelage leur procure des demeures plus légères d'un tiers du poids initial, ce qui est appréciable quand on doit transporter sa maison en permanence et se déplacer sans cesse pour chercher sa nourriture.
     En plus de ces avantages, le remodelage évite aux Bernard-l'ermite de devoir chercher continuellement de nouvelles coquilles toujours plus spacieuses. Les Bernard-l'ermite en général, et les Bernard-l'ermite terrestres en particulier, ont souvent des difficultés à trouver des coquilles de grande taille. Et pour ce faire ils dépensent beaucoup d'énergie toute leur vie durant. 
     Donc le remodelage de leur coquille actuelle peut être une meilleure solution. 


    Même après que le coquillage a été remodelé, le risque plus élevé de prédation  peut être acceptable par le Bernard l'ermite, par exemple si d'autres proies occupant le même biotope  deviennent plus intéressantes pour les prédateurs. Par exemple les crabes terrestres brachyoures, qui n'occupent pas de coquilles de gastéropodes, peuvent éventuellement posséder des carapaces plus fragiles que les coquilles même remodelées des Bernard-l'ermite.
   Donc, bien que les demeures remodelées soient plus minces et plus  fragiles que celles qui n'ont pas été remodelées, elles peuvent offrir néanmoins une protection supérieure à celle des  carapaces d'autres espèces de crabes.  
    Il est intéressant de noter que les mâchoires des prédateurs tels que les ratons-laveurs exercent une force bien inférieure à celle requise, dans notre étude, pour écraser les coquilles non remodelées, mais proche de celle requise pour écraser les coquilles remodelées.
   Bien sûr, les crocs bien pointus des prédateurs exercent peut-être une pression plus ciblée sur les coquilles que notre matériel de laboratoire, mais nous pensons que les différences constatées entre les coquilles remodelées et les non-remodelées doivent être équivalentes dans la nature.

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Le Raton laveur est un prédateur naturel du Coenobita compressus. Photo publique Wikipedia.

    La limite à ne pas dépasser par les Bernard-l'ermite dans le remodelage de leurs coquilles pourrait ainsi être fixée par la force exercée par les mâchoires des prédateurs, les Bernard-l'ermite poussant trop loin le remodelage étant éliminés de la population. 
    Nos résultats suggèrent donc que, comme les architectes primaires  qui font face à des compromis quand ils optimisent leurs constructions, les architectes secondaires doivent également accepter des compromis quand ils remodèlent leurs habitations. 
    Ces compromis incluent une variété de coûts, de bénéfices, de contraintes et d'alternatives. Un tableau complet de l'optimalisation peut émerger seulement quand toutes ces variables sont prises en compte. La présente étude contribue à cette approche globale  en révélant que le remodelage des coquilles, bien qu'offrant d'un côté des avantages aux Bernard-l'ermite, a pour contrepartie  un prix à payer important.  Sans compter le temps perdu et l'énergie dépensée à re-sculpter l'intérieur de leur coquille !

Résumé proposé par Marikar de l'article de Laidre, M.E., E. Patten & L. Pruitt. 2012. Costs of a more spacious home after remodelling by hermit crabs. Journal of the Royal Society Interface 9: 3574-3577. 

 

 

Commentaires

  • Spring
    • 1. Spring Le 04/01/2014
    Bonjour Fitis,

    Je voulais savoir si c'est grave que la température de mon terrarium descende à 18,5 °C ? Le matin, je mets la lampe et la température remonte vite à 25°.

    Merci pour ce site
  • Fitis
    • 2. Fitis Le 07/01/2012
    Merci pour votre commentaire dauphin !
  • dauphin
    • 3. dauphin Le 04/01/2012
    bonjour fitis
    je vien d'avoir deux BHT un rugos et un violascens
    j'ai tout apris sur ce site merci beaucoup tellement que ces crustacé m' interesse je fait un exposé sur eux demain
    (j'ai 10 ans je suis en CM2)
  • Fitis
    • 4. Fitis Le 15/08/2011
    Bonjour,
    Tout d'abord, merci pour votre commentaire!
    Quelles sont vos dimensions exactes en centimètres (longueur, largeur, hauteur) ? Dans un aquarium de 75 gallons (bien aménagé et avec de la hauteur), on peut facilement mettre une dizaine d'individus de taille moyenne. Après, vous pouvez en mettre plus ou moins selon leur taille, mais il est intéressant de recréer une petite colonie reproduisant ainsi partiellement le caractère grégaire naturel propre à ces animaux.

    Cordialement,
    Fitis.
  • Melipou
    • 5. Melipou Le 10/08/2011
    Le BHT est grégaire. Dans un vivarium (aquarium de 75gallons), combien de BHT devrais-je y mettre pour qu'ils soient bien (mon but n'étant pas d'en avoir le plus possible!)

    Merci et félicitations pour ce site si complet!

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